Comment semer les graines du changement ?

Comment semer les graines du changement ?

Rencontre avec Delphine Vandenkoornhuyse

Initialement formatrice, nommée référente handicap en 2020 et, depuis 2024, coordinatrice du projet handicap au Centre de Formation des Apprentis ECCLOR, Delphine intervient sur 16 sites répartis dans les Hauts-de-France.

« Manque de temps, manque de moyens, manque de recul, manque de cadre, manque de connaissances… Les difficultés sont réelles, mais tous les formateurs, même ceux qui ont pu être un temps, réfractaires aux changements, ont envie d’agir et de faire progresser l’accessibilité. (…) Je suis là pour les aider et les accompagner, de manière individuelle et collective, et leur fournir les outils, astuces et bonnes pratiques dont ils ont besoin. »

En quoi, selon vous, sensibiliser vos collègues peut-il améliorer l’accessibilité de vos formations ?

DELPHINE VANDENKOORNHUYSE : Sensibiliser, c’est s’ouvrir au monde du handicap et à la richesse de la diversité. Ne pas sensibiliser, c’est prendre le risque de passer à côté d’un accompagnement et de provoquer un arrêt de la formation suivie.

La sensibilisation des formateurs est donc primordiale, tout comme celle des apprenants, pour éviter la stigmatisation, l’incompréhension quand, par exemple, des aménagements d’horaires sont proposés et le harcèlement.

La sensibilisation passe par l’apport de connaissances, mais aussi par l’acquisition d’une posture : apprendre à observer, à détecter des difficultés, à y remédier.
Il est essentiel de laisser du temps au référent pour s’approprier sa fonction et intégrer ses missions.

Avez-vous déjà eu l’occasion, vous-même, d’intervenir auprès des équipes suite à une problématique vécue en formation ? Et si oui, comment cette intervention s’est-elle traduite ?

DV : Dans le cadre de ma mission de coordinatrice, j’anime deux fois par an, des réunions de concertation entre référents handicap. Ces réunions-ateliers se divisent en deux parties.
La matinée est un temps d’apprentissage : l’occasion de revenir sur certains fondamentaux de l’accompagnement d’un apprenant en situation de handicap (la réglementation, les financements, les appuis spécifiques…).
L’après-midi est un temps d’échange sur des situations réelles vécues. Cette analyse des pratiques s’articule autour de trois questionnements : comment a-t-on agi dans la situation ? Comment aurait-on pu faire autrement ? Comment améliorer les actions menées ?
La bienveillance et l’empathie dominent. Les échanges entre référents, au niveau d’expérience varié — certains aguerris, d’autres nouvellement nommés — sont constructifs.
L’objectif à long terme est la création, à la suite de ces animations, d’un catalogue de ressources et fiches outils selon la méthode facilitatrice : face à de telle difficulté, par exemple pour la lecture et l’écriture, quelles solutions proposer ?

Que retenez-vous de cette intervention ? Quels ont été les effets et conséquences à court et long terme sur les participants ?

DV : Tous les participants sont satisfaits, car chacun repart de cette journée avec des connaissances et des expertises nouvelles : du simple rappel de la bonne posture à adopter à la découverte de nouveaux outils et processus.
Ils sont reboostés et confortés dans l’idée que leur méthodologie et les actions mises en place sont souvent les bonnes.
Des liens se créent, avec une volonté d’entraide et la création d’un maillage entre référents.
Il en ressort aussi une prise de conscience que l’inclusion des personnes en situation de handicap en formation se fera progressivement.
Permettre un accompagnement pour éviter l’échec ou l’abandon de la formation, et s’assurer de la poursuite du cursus, sont les points de réussite.

Quels conseils pourriez-vous donner à un référent qui souhaiterait proposer à ses équipes de les accompagner pour les aider à revenir sur des situations problématiques, vécues en formation ?

DV : Il faut avant tout privilégier l’écoute, pour entendre les mécontentements, comprendre les difficultés et déceler les besoins.
Les conseils sont aussi essentiels, mais sans injonction, en laissant toujours la porte ouverte.
Accepter, en tant que référent chargé d’une meilleure prise en compte du handicap en formation, que l’on sème des petites graines, mais que les fleurs n’éclosent pas toutes en même temps…
La prise de conscience, la volonté de changement et l’engagement vers une société plus inclusive s’intègrent différemment et progressivement d’une personne à l’autre.